À deux semaines des élections européennes, l’Union européenne est pointée du doigt pour de nombreux problèmes. Tentons de démystifier certaines croyances sur son rôle et son impact.
L’euro a fait augmenter les prix en France : faux
La notion selon laquelle l’arrivée de l’euro aurait fait flamber les prix reste ancrée dans l’esprit des Français. En réalité, les chiffres montrent une autre perspective. Introduit le 1er janvier 2002, l’euro n’a pas provoqué une hausse spectaculaire des prix. Selon l’Insee, de 2002 à 2016, l’inflation moyenne en France s’est établie à 1,4% par an, contre 2,1% entre 1986 et 2001. Cette stabilité relative contraste avec la perception des consommateurs.
Pourquoi alors ce sentiment de hausse ? Le ressenti provient essentiellement de l’augmentation des prix de produits courants comme le pain ou les services de base tels qu’une coupe de cheveux. Ainsi, si une baguette de pain coûtait environ 65 centimes en 2001, elle était vendue 10 centimes de plus après le passage à l’euro. En revanche, les prix de bien plus coûteux comme les loyers ou les ordinateurs ont connu des hausses bien plus modérées. En 2022, l’Insee notait une augmentation des prix de 30% depuis 2002, tandis que les salaires augmentaient en moyenne de 50%, compensant ainsi largement l’inflation.
La hausse des prix de l’énergie est due à l’UE : partiellement vrai
Les augmentations des tarifs énergétiques, particulièrement celle du 1er février 2024 avec un bond de 10%, ont suscité de vives réactions. Placer cette hausse sur le compte de l’UE est partiellement trompeur. Ces augmentations sont principalement dues à la politique française de levée progressive des boucliers tarifaires instaurés en 2022. Néanmoins, le marché européen de l’électricité, instauré dans les années 1990 pour harmoniser les prix, joue un rôle indéniable. Il s’aligne sur les coûts des combustibles fossiles, majoritairement du gaz, créant ainsi des prix uniformisés mais souvent élevés, même pour des pays comme la France dont la production est peu coûteuse. Face à cette situation, l’UE envisage une nouvelle réforme destinée à mieux absorber les chocs liés aux fluctuations du gaz.
L’europe impose des normes à la france : faux
Contrairement à une idée reçue, les normes européennes ne sont pas imposées unilatéralement aux États membres. En réalité, toute loi européenne est soumise à un processus législatif complexe et transparent impliquant plusieurs acteurs. Chaque État, y compris la France, participe activement aux processus de décision et de vote. Depuis 2009, sur les sujets agricoles, seulement trois lois sur 103 n’ont pas eu l’assentiment français. Cette participation active se manifeste aussi dans les domaines environnemental et économique, où la France a soutenu la majorité des textes adoptés. Le fonctionnement démocratique de l’UE implique des consultations et des votes rigoureusement documentés, accessibles au public, garantissant ainsi que les législations sont le fruit d’un consensus collectif.
La France donne plus d’argent qu’elle n’en reçoit : vrai
Il est vrai que la France contribue plus à l’Union européenne qu’elle ne reçoit de fonds en retour. En 2021, avec une contribution de 28,8 milliards d’euros, la France se place deuxième après l’Allemagne parmi les contributeurs au budget de l’UE. Cette contribution, proportionnelle à la richesse du pays, représente environ 1% de son revenu national brut. Pour 2024, le montant alloué à l’UE s’élève à 21,61 milliards d’euros. Cependant, ces dépenses permettent aussi à la France de bénéficier d’avantages économiques. La création du marché unique a contribué à une augmentation moyenne du PIB de l’UE de 8 à 9%, offrant ainsi des bénéfices substantiels.
Il y a moins de fermes en france à cause de l’ue : à nuancer
La diminution du nombre d’exploitations agricoles en France a souvent été attribuée à l’Union européenne. Entre 2010 et 2020, le nombre de fermes est passé de 490 000 à 390 000, une baisse de 20%. Cela s’explique par une tendance à l’agrandissement des exploitations, malgré une stabilité de la surface agricole utilisée. Cette évolution n’est pas propre à la France ; le nombre de fermes dans l’UE a également chuté de 37% entre 2005 et 2020. La Politique agricole commune (PAC), adoptée en 1962, favorise souvent les grandes fermes intensives au détriment des petites exploitations. Une adaptation de cette politique semble nécessaire pour mieux soutenir ces dernières.
Les travailleurs détachés instaurent une concurrence déloyale : plutôt faux
La directive européenne sur les travailleurs détachés a souvent été critiquée pour instaurer une concurrence déloyale. Toutefois, elle impose que les travailleurs détachés soient rémunérés et traités selon les lois du pays d’accueil. Adoptée en 1996 et réformée en 2018, cette directive vise à garantir l’égalité de traitement. Les employeurs français n’ont pas à payer les cotisations sociales des travailleurs détachés, mais doivent couvrir leurs frais de déplacement et d’hébergement. En 2021, les travailleurs détachés représentaient moins de 2% des salariés en France avec des missions d’une centaine de jours en moyenne, concentrées dans le secteur du bâtiment.
En scrutant de plus près ces six affirmations, il est clair que l’Union européenne, souvent caricaturée, mérite une analyse nuancée de ses réels impacts. Alors, l’UE : bouc émissaire ou partenaire incontournable dans la résolution des défis contemporains ?